Concert à la Cathédrale de Lille, 12-06-2020
Konzert im Wiener Dom, 10-09-2020
Méditation sur la Beauté de la Création et le comportement de l’homme
Meditation über die Schönheit der Schöpfung und das Verhalten des Menschen
- Splendeur de la Création/Pracht der Schöpfung
O lux beata Trinitas (versus 1) Matthias Weckmann (1616-1674)
« Chant des fleurs » (aus « Laudes », op.5) Jean-Louis Florentz (1947-2004)
Fugue à 5 (A Solis Hortus Cardine) Nicolas de Grigny (1672-1703)
- Oiseaux, Sources, Etoiles/Vögel, Quellen, Sterne…
Zwei Stükken aus « La Messe de la Pentecôte » Olivier Messiaen (1908-1992)
. Communion « Les oiseaux et les sources »
. Sortie « Le Vent de l’Esprit »
Etoile du Soir Louis Vierne (1870-1937)
- L’homme au coeur de la Création/Der Mensch im Herzen der Schöpfung
Erbarm dich mein, o Herre Gott Heinrich Scheidemann (1596-1663)
. Cantus firmus im Tenore
. Auff 2 Clavier
E più corusco il sole Bernard Foccroulle (1953)
(nach Fegefeuer von Dante, 2016)
Passacaglia und Fuge c-moll, BWV 582 J.S. Bach
Total: ca 64’
Notes sur ce programme
La splendeur de la Création a été chantée dans de nombreux textes et chants sacrés qui mêlent étroitement le Sacré et la Nature. C’est notamment le cas des hymnes O lux beata Trinitas et A solis ortus cardine.
La nature proprement dite a été admirablement chantée par Olivier Messiaen, qui s’est inspiré des chants d’oiseaux du monde entier, mais aussi de l’eau, du vent, du feu et d’autres phénomènes naturels. Louis Vierne a également écrit plusieurs pages qui célèbrent la beauté de la nature, notamment « Etoile du soir », extraites de la troisième Suite des Pièces de fantaisie pour grand orgue. Dans « Laudes » (1983-85), un cycle de sept pièces inspirées de la musique médiévale éthiopienne, Jean-Louis Florentz a choisi notamment d’évoquer le « chant des fleurs » par le biais d’une texture sonore particulièrement délicate et raffinée.
Et l’homme dans tout cela ? Bien que nous soyons nous-mêmes partie de la Création, nous prenons conscience aujourd’hui, et bien tardivement, de notre attitude arrogante : nous avons cru pouvoir dominer la nature et la mettre à notre service, au risque d’une destruction aux conséquences incalculables.
Dans ce contexte, le choral luthérien Erbarm dich mein, o Herre Gott (traduction libre du Psaume 51 : « Prends pitié de moi, Seigneur Dieu »), prend un relief particulièrement prophétique.
Dans E più corusco il sole, je me suis inspiré du Purgatoire de Dante, poème fondateur de la culture italienne qui décrit la montée de Dante et Virgile, leur sortie des enfers, l’ascension du Purgatoire. Parvenu aux deux-tiers de son chemin initiatique, Dante constate la disparition de son guide Virgile au moment même où il revoit pour la première fois Béatrice. Celle-ci lui reproche amèrement sa conduite passée et son infidélité. Dante s’évanouit sous le poids des reproches ; à son réveil, une belle dame le plonge dans l’eau, et le livre ensuite à une danse de quatre belles. Le soleil, plus flamboyant, célèbre ce pardon de toute la chaleur de ses rayons. Régénéré comme une jeune plante, Dante est prêt à monter vers les étoiles. Tout au long du récit, la nature tour à tour symbolise les difficultés de l’ascension, réfléchit le paysage intérieur des protagonistes, guérit les âmes, indique l’horizon à atteindre…
La Passacaille et Fugue en ut mineur de J.S. Bach est l’un des plus imposants chefs d’œuvre pour l’orgue. On peut y entendre l’aboutissement d’une tradition multiséculaire (remontant à l’Antiquité…) selon laquelle la musique avait pour objet de refléter la beauté de l’Univers. Perçue de la sorte, cette œuvre nous atteint de la splendeur de sa construction formelle, mais elle nous interroge également sur notre capacité à retrouver notre place au sein de la Nature, et à prendre nos responsabilités pour la protéger à nouveau.
Bernard Foccroulle
Textes
O lux beata Trinitas, O lumière bénie de la Trinité,
Et principalis unitas, Unité fondamentale,
Iam sol recedat igneus, Maintenant que le soleil flamboyant se retire,
Infunde lumen cordibus. Jette ta lumière dans nos cœurs.
A solis ortus cardine Du point où le soleil se lève
adusque terrae limitem jusqu’aux limites de la terre,
Christum canamus principem, chantons le Christ notre prince,
natum Maria Virgine. né de la Vierge Marie.
Erbarm’ Dich mein o Herre Gott! Prends pitié de moi, Seigneur Dieu!
nach Deiner groß’n Barmherzigkeit, Dans ta grande miséricorde,
wasch’ ab mach’ rein mein’ Missethat, Lave-moi de ma faute,
ich kenn’ mein’ Sünd’ und ist mir leid; Je reconnais mon péché et le regrette…
E piú corusco il sole (Et plus flamboyant le soleil)
Canto XXX
Guardaci ben ! Ben son, ben son Beatrice.
Come degnasti d’accedere al monte ?
Li occhi mi cadde giù nel chiaro fonte
Canto XXXI
O tu che se’ di là dal fiume sacro
Di, di se questo è vero; a tanta accusa
Tua confession conviene esser congiunta
Era la mia virtù tanto confusa,
che la voce si mosse, e pria si spense
che da li organi suoi fosse dischusa
Poco sofferse; poi disse: “Che pense?
Rispondi a me; che le memorie triste
In te non sono ancor da l’acqua offense”
Tanta riconoscenza il cor mi morse,
ch’io caddi vinto; e quale allora femmi,
salsi colei che la cagion mi porse.
Poi, quando il cor virtù di fuor rendemmi,
la donna ch’io avea trovata sola
sopra me vidi, e dicea: “Tiemmi, tiemmi”
La bella donna ne le braccia aprissi;
abbracciommi la testa e mi sommerse
ove convenne ch’io l’acqua inghiotissi.
Indi mi tolse, e bagnato m’offerse
Dentro a la danza de le quattro belle;
e ciascuna del braccio mi coperse.
Canto XXXIII
E più corusco e con più lenti passi
Teneva il sole il cerchio di merigge (…)
Io ritornai da la santiassima onda
Rifatto si come piante novelle
Rinovellate di novella fronda,
puro e disposto a salire a le stelle.
« Regarde ! Je suis, je suis bien Béatrice.
Comment as-tu osé accéder à ce mont ?
Ne savais-tu pas qu’ici l’homme est heureux ? »
Mon regard défaillit dans la claire fontaine…
« Ô toi qui es au-delà du fleuve sacré,
dis-moi, dis si c’est vrai : à telle accusation,
il faut que ta confession soit jointe ».
Mon âme était si confondue
que ma voix s’élança, et s’éteignit
avant d’être sortie de ses organes.
Elle attendit un peu, puis dit : « Que penses-tu ?
Réponds-moi, car les souvenirs tristes
en toi ne sont pas encore chassés par l’eau ».
Un tel remords me mordit le cœur
que je tombai défait, et ce que je devins,
elle le sait bien, celle qui en fut la cause.
Puis, quand le cœur me rendit les forces du dehors,
je vis au-dessus de moi la dame que j’avais trouvée seule
qui disait : « Tiens-moi ! tiens-moi ! ».
La belle dame ouvrit les bras;
elle m’embrassa la tête et me plongea
là où il me fallut avaler de l’eau.
Puis elle m’en tira, et m’offrit, trempé
à la danse des quatre belles;
et chacune me couvrit de son bras.
Et le soleil plus lent et plus flamboyant
se tenait sur le cercle de midi (…)
Je m’en revins de l’onde sainte
régénéré comme une jeune plante
renouvelée de feuillage nouveau,
pur et tout prêt à monter aux étoiles.
* source de la traduction : Jacqueline Risset, La Divine comédie, Dante Alighieri, Flammarion, 1992